Conformité

Devoir de vigilance : Changements au niveau européen

Champ d’application, normes et effets de la nouvelle loi sur les entreprises européennes

8 minutes09/06/2022

La loi de l’UE sur le devoir de vigilance fait l’objet de nombreuses discussions. La nouvelle législation a pour objectif d’imposer aux entreprises de jouer un rôle plus important et plus actif dans l’assurance de la protection des droits de l’homme. De plus, la loi vise à établir des normes dans les domaines de la santé et sécurité au travail et de la protection de l’environnement à tous les niveaux, du premier maillon d'une chaîne d'approvisionnement jusqu'au personnel de livraison. Bien que certains pays, dont l’Allemagne, aient déjà adopté une législation nationale, l’UE n’a pas encore pris une décision finale. Néanmoins, il y a quelques premières indications sur ce à quoi la nouvelle loi pourrait ressembler. Une proposition législative a été présentée et elle est actuellement en cours d’adoption formelle par le Parlement européen et le Conseil. 

Loi de l’UE sur le devoir de vigilance : Un aperçu du statu quo

En avril 2020, Didier Reyners, commissaire européen à la Justice, a annoncé que l’Union européenne avait l’intention d’introduire une législation complète sur le sujet. L’objectif du projet de loi est d’obliger les entreprises à s’assurer du respect et de la protection des normes environnementales et des droits de l’homme. Il vise également à établir des sanctions de droit public et des procédures de plainte pour les parties concernées. Un peu moins d’un an après, le Parlement européen a voté en faveur du projet de loi de l’UE sur le devoir de vigilance. Le Parlement européen a adopté un rapport d’initiative législative, avec une majorité de 504 sur 695 votes pour l’adoption d’une loi visant à soumettre les entreprises au devoir de vigilance sur les normes environnementales et des droits de l’homme. Le rapport d’initiative est une recommandation adressée à la Commission européenne pour introduire une loi sur le sujet. Initialement, la Commission européenne avait prévu de présenter un projet de loi en juin 2021. Toutefois, cette présentation a été repoussée et a finalement eu lieu en février 2022. 

La législation sur le devoir de vigilance dans l’Union européenne

Les Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme (UNGP) fournissent un ensemble de lignes directrices pour une économie mondiale plus conforme aux droits de l'homme. Tandis que l'Union européenne travaille actuellement sur des propositions de législation paneuropéenne, de nombreux pays ont déjà élaboré leurs propres plans et mis en œuvre les lois correspondantes au niveau national. Cependant, il existe une disparité substantielle entre les différents pays concernant la vitesse de mise en œuvre et le contenu des projets de loi formulés et adoptés. Les Pays-Bas et la France font partie des premiers pays à avoir introduit ces lignes directrices, alors que le Portugal ne compte toujours aucun plan de mise en œuvre. En Allemagne, la nouvelle loi sur les chaînes d’approvisionnement (Lieferkettengesetz) est également connue sous le nom de loi sur le devoir de vigilance. Un projet de loi gouvernemental a été voté en mars 2021 puis adopté en juillet 2021. En raison des différentes approches adoptées par chaque pays, il existe également des différences dans la manière dont les lignes directrices sont appliquées dans la pratique. En France, par exemple, la nouvelle législation comprend un devoir de vigilance complet des grandes entreprises en ce qui concerne les droits de l'homme et les questions environnementales. Au Pays-Bas, en revanche, elle ne concerne que les droits et le travail des enfants. Les divergences entre ces cadres juridiques pourraient compromettre les objectifs primordiaux, tels que la suppression des désavantages concurrentiels.

Comparaison des lois européenne et française

En 2011, lorsque le principe de devoir de vigilance sur les droits de l’homme a été établi dans les Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme, aucune réglementation ou loi contraignante n'a été imposée aux entreprises. Les lois nationales et européennes sont en train d’y remédier. Voici une comparaison des pays suivants : 

 

UE

France

Titre de la loi 

DIRECTIVE OF THE EUROPEAN PARLIAMENT AND OF THE COUNCIL on Corporate Sustainability Due Diligence and amending Directive (EU) 2019/193

Loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et entreprises donneuses d´ordre

Titre raccourci

À déterminer 

Loi de vigilance

Date d’effet 

Probablement à partir de 2024 

Projet de loi formulé en février 2022 

Depuis 2017

Entreprises contraintes 

Toutes, quelle que soit leur taille (si elles sont cotées ou si elles opèrent dans une zone à haut risque, par exemple les matières premières, l'industrie textile) ; les entreprises domiciliées dans des pays tiers sont également responsables des activités menées dans des zones économiques à haut risque 

Les entreprises françaises de 5000 employés ou plus en France (10 000 pour les entreprises internationales), y compris les filiales, les sous-traitants et les fournisseurs 

Points clés 

Devoir de vigilance obligatoire des entreprises concernant les droits de l’homme, la protection de l’environnement et les conditions de travail 

Responsabilité soumise au droit public et possiblement au droit pénal 

Devoir de vigilance plus large, entreprises contraintes de procéder à une analyse active des risques potentiels sur toute la chaîne de valeur dans son ensemble, non seulement pour leurs propres opérations et leurs fournisseurs directs, mais aussi pour les filiales 

Interdiction d’importation de produits associés au travail forcé 

  

Vise à garantir le respect des normes environnementales, des droits de l’homme et des règles en matière de santé et sécurité au travail sur toute la chaîne d’approvisionnement

Les violations doivent être éliminées et les dommages qui en résultent doivent être réparés 

Le projet de loi pour une directive de l’UE sur le devoir de vigilance en matière de durabilité

Le 23 février 2022, la Commission européenne a adopté une résolution relative à un nouveau projet de loi visant à ancrer des pratiques de durabilité dans les chaînes d'approvisionnement mondiales. Le projet de loi vise à contraindre les entreprises à rendre leurs activités mondiales durables, en exerçant un devoir de vigilance concernant le respect des droits de l’homme, l’interdiction du travail des enfants et de l’exploitation des travailleurs, ainsi que l'atténuation de l'impact environnemental. En faisant cela, les chaînes d’approvisionnement des entreprises deviendront plus transparentes vis-à-vis des consommateurs et les entreprises dans toute l’UE vont exercer leurs activités dans les mêmes conditions concurrentielles.

Le projet de loi distingue deux groupes d’entreprises concernées par le devoir de vigilance : 

  • Groupe 1 : Les sociétés à responsabilité limitée de l’UE, comptant au moins 500 employés et un chiffre d’affaires net mondial de 150 millions d’euros. 
  • Groupe 2 : les autres sociétés à responsabilité limitée, exerçant leurs activités dans des secteurs à forte intensité de ressources, comptant plus de 250 employés et réalisant un chiffre d'affaires net mondial de 40 millions d’euros. 

Sont également concernées les entreprises dont le siège social est situé hors de l’UE, mais qui y opèrent tout de même et qui génèrent un chiffre d’affaires comparable aux groupes 1 et 2. Les petites et moyennes entreprises (PME) ne sont pas concernées par les amendements. 

Le projet de loi présenté formule des exigences concrètes pour les entreprises. Par exemple, les entreprises devront instaurer le devoir de vigilance dans leur politique interne. À cette fin, la direction doit en assurer le suivi et la mise en œuvre. Tout d'abord, les entreprises doivent identifier les dommages que leurs activités commerciales causent à l'environnement ou aux droits de l'homme. Elles auront alors à les prévenir, les réduire ou les atténuer. Les entreprises devront établir des méthodes permettant de contrôler en permanence l'efficacité des mesures qu'elles mettent en œuvre. En outre, les entreprises devront mettre en place une procédure de plainte et communiquer publiquement sur la manière dont elles s'acquittent de leur devoir de vigilance. 

Les critiques concernant la loi européenne sur le devoir de vigilance

L'introduction d'une législation sur le devoir de vigilance au niveau européen est un processus long et sujet à de nombreuses critiques. Bien que plusieurs parties admettent que les avancées sont prometteuses, elles doutent de la faisabilité de la loi sur les chaînes d’approvisionnement. Alors que les revendications se multiplient en faveur d'une loi qui obligerait les entreprises à assumer la responsabilité des crises climatiques, des violations des droits de l'homme et des exploitations qui se produisent dans leurs chaînes d'approvisionnement, la proposition actuelle offre encore des échappatoires aux entreprises. Seulement environ 0,2 % des entreprises de l’UE seraient concernées par ces lignes directrices. De plus, la responsabilité civile pour les dommages subis pourrait encore être contournée beaucoup trop facilement. 

Résumé et perspectives

La loi de l’UE sur le devoir de vigilance, qui devrait être introduite en Europe dans un avenir proche, posera de nouveaux défis pour les entreprises. En adoptant une approche et des mesures proactives pour vous conformer aux réglementations qui sont attendues, vous pourrez réduire votre charge de travail et utiliser efficacement le temps restant. Les entreprises qui anticipent en réagissant aux changements à venir et en s'adaptant aux nouvelles exigences avant qu'elles ne soient officiellement introduites auront sans aucun doute plus de facilité à s'adapter à la version finale de la loi et à en récolter les bénéfices plus tard. Un projet de loi étant à l'étude depuis le 23 février 2022, la Commission européenne s'attaque maintenant à la conception des mesures concrètes.

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